Au pays du secret bancaire, votre banque cherche à en savoir toujours plus sur vous. Postfinance n’a pas pris beaucoup de gants en interrogeant directement certains de ses clients sur leur profession, leur employeur, leurs revenus. En invoquant, comme elle l’a fait, la Loi sur le blanchiment d’argent, dont le but premier est de détecter l’argent issu d’activités criminelles, a conféré à la démarche juste assez de parfum d’intimidation pour inciter des personnes concernées à refuser tout net de livrer les renseignements demandés. Mais pour quelques refus de communiquer, combien de clients de Postfinance ont accepté de se mettre à nu devant leur banquier? Nul ne le sait, sauf la banque.

Au pays de la sécurité, considéré comme le coffre-fort de la planète, une banque peut perdre vos économies presque sans vous prévenir parce qu’elle a elle-même additionné erreurs et fautes. Les clients de Credit Suisse ont soudainement pris conscience, aux alentours de la mi-mars, que leurs avoirs n’étaient pas aussi bien protégés qu’ils le croyaient. Si l’ex-grande banque s’était effectivement effondrée au lieu d’être rachetée par UBS, que serait-il advenu des comptes de libre passage, des troisièmes piliers, des comptes d’épargne supérieurs aux 100 000 francs garantis par l’ensemble des banques? Comme ce scénario catastrophe ne s’est pas produit, nul ne le sait. Mais il ne s’en est pas fallu de beaucoup pour qu’une gigantesque facture n’ait été adressée aux déposants.

Des mécanismes de protection des clients des banques existent. La Loi sur la protection des données interdit aux entreprises de récolter des informations sur leurs clients de manière abusive, et surtout de les disséminer. Même si ces questions sont posées au nom de la vertueuse lutte contre le blanchiment d’argent. Mais cette loi n’interdit pas aux banques de poser des questions parfois intrusives à leurs clients ignorants de leurs droits, ou intimidés afin de simplement compléter leur arsenal de marketing.

De même, des mécanismes garantissant les dépôts et les avoirs en cas de faillite bancaire ont été mis en place à la suite des secousses bancaires des années 1990. Ils ont été complétés au lendemain de la crise financière de 2008, qui a vu UBS passer au bord du dépôt de bilan. Mais ces outils de protection des avoirs des clients n’ont jamais été testés à grande échelle et ont déjà démontré leurs limites.
La Suisse est décidément le pays des banques: celles-ci disposent de vastes pouvoirs face à des clients fragilisés, et donc affaiblis. Les protections dont jouissent ces derniers s’avèrent par conséquent insuffisantes, et doivent être considérablement renforcées.

Yves Genier
Rédacteur en chef